Par LOUIS MARIN, le 3 mars
2016
LES
EXPERTS
Lors d’un débat à l’Assemblée nationale
sur la nécessité d’éloigner les éoliennes à un minimum de 1000 mètres des
habitations, le député socialiste Serges Janquin interpellait le Ministre de
l’écologie précisant à ce sujet que « les fourches sont sortie contre l’Etat »
et qu’il fallait éviter « de nous laisser entraîner dans une situation de
guerre civile, faute d’avoir suffisamment réfléchi à l’incidence de nos
décisions » soulignant qu’ « il vaudrait mieux avoir la sagesse d’agir avec précaution
pour éviter les drames qui s’annoncent…».
Il faisait suite à l’alerte lancée par le
sénateur socialiste Jean Germain qui souhaitait écarter les aérogénérateurs
au-delà de 1000 mètres des habitations.
Il y a quelques jours c’est à nouveau un
sénateur PS, Gilbert Barbier, qui a déposé un amendement afin de rendre
impératif l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) pour tout projet
d’éoliennes situé dans un rayon de 10 kms d’un monument historique. Cet
amendement adopté par le Sénat, a suscité l’ire des affairistes du vent
toujours prêts à militer pour le zéro norme. Tout récemment, l’avocat
spécialiste de l’éolien David DEHARBE du cabinet Greenlaw se réjouissait dans
un article à l’intitulé évocateur « La revanche de l’éolien sur le droit »
(sic) : aveu incroyable d’un secteur éolien s’estimant au dessus du droit. Dans
ce contexte, il nous est apparu intéressant d’interroger Louis Marin,
porte-parole du réseau anti-éolien Ulysse et lanceur d’alerte sur la corruption
dans ce secteur afin qu’il apporte son regard sur l’actualité de la résistance
face à l’invasion des éoliennes sur le territoire national.
Economie Matin : En quoi l’amendement du
Sénat imposant un contrôle de l’ABF dans un rayon de 10 kms d’un monument
historique est-il inquiétant pour les promoteurs éoliens ?
Toute mesure contraignante empêchant
l’implantation d’éoliennes suscite une levée de bouclier systématique des
affairistes du vent. Sincèrement, exiger l’avis de l’ABF pour tout projet
éolien situé dans un rayon de 10 km d’un monument historique est tout de même
un minimum lorsqu’on sait que la France est un pays touristique qui vit
également de son patrimoine ancien et de ses châteaux. Leur donner une valeur
impérative participe de la même logique d’autant que la suppression des zones
de développement éolien (ZDE) qui prévoyait un contrôle autour des monuments
historiques a conduit à un développement anarchique des projets.
Il n’est pas acceptable que notre
patrimoine architectural soit impacté par des aérogénérateurs et il est
légitime que l’ABF vérifie dans ce périmètre l’existence d’une co-visibilité
avec ces machines. Cette mesure est donc à faible impact pour les promoteurs du
vent et il faut espérer que les députés ne se laisseront pas à nouveau abusés
par les éléments de langages de leurs lobbyistes.
Et pourtant cette mesure semble paniquer
les promoteurs éoliens ?
La réalité est plus complexe. En effet,
même si la mesure a assez peu d’impacts pratiques, elle est en revanche
l’expression d’un ras le bol populaire souligné par des députés et sénateurs de
la majorité. Ce qui inquiète les promoteurs est moins la mesure en elle-même
que le fait qu’elle soit portée par des élus de la majorité présidentielle qui
pourraient se laisser tenter par de nouvelles mesures restrictives. En effet
depuis un certain temps une prise de conscience est en train d’émerger au sein
des assemblées auprès d’élus qui, à l’écoute de leurs concitoyens, sentent bien
que la situation est explosive sur le terrain.
Ce n’est tout de même pas un hasard si
c’est un député socialiste qui a parlé en séance de « guerre civile » à propos
de l’éolien. Dans ce contexte nous sommes également informés que les
fonctionnaires du Ministère de l’Ecologie sont désorientés par ces voltes faces
successifs. Ils ne savent plus à quel sein se vouer et s’ils doivent ou non
soutenir cette source d’énergie qui devient de plus en plus controversée…La
Ministre elle-même commence à recevoir des informations inquiétantes sur les
risques sanitaires.
Economie Matin : Qu’entendez-vous par
risques sanitaires, en quoi les éoliennes peuvent-elles avoir un effet sur la
santé ?
Le discours habituel des promoteurs est
de souligner que les éoliennes font assez peu de bruit et que les mesures à
proximité des champs installés montrent que leur bruit est inférieur aux
seuils. Là encore il s’agit d’éléments de langage de communicants payés par les
multinationales du vent dont les intérêts financiers sont gigantesques. Nous ne
reviendrons pas sur les modalités de mesures des bruits à proximité des
éoliennes qui pour le coup sont déjà contestables.
En effet, l’essentiel du
problème sanitaire ne provient pas des sons audibles mais des infrasons
inaudibles. Et c’est sur cette question que les promoteurs cherchent à occulter
les risques pour la santé. Aujourd’hui, et à l’échelle internationale, il est
avéré qu’il existe un syndrome éolien qui conduit les personnes vivants à
proximité parfois jusqu’à plusieurs kilomètres à subir palpitations, troubles
de l’équilibre et du sommeil, problème cardiovasculaires….
Un groupe sérieux de
médecins allemands a lancé récemment une alerte sur ce thème et il y a fort à
parier qu’un énorme scandale sanitaire mondial surviendra si rien n’est fait
pour stopper le développement de l’éolien. La Ministre actuelle qui a fortement
favorisé son développement en portera une lourde responsabilité si elle ne
prend pas les mesures de précautions adaptées ….
Economie Matin : Sans
compter qu’à ce scandale sanitaire est associé un énorme scandale de la
corruption, n’est-ce pas ?
Lorsqu’un secteur
d’activité ne suscite pas une acceptabilité sociale évidente, il convient
d’instrumentaliser les élus pour imposer une industrie qui est très nuisible
pour la population. C’est l’intérêt d’une ultra-minorité qui va nuire à une
grande majorité avec des troubles affectant durablement le cadre de vie,
induisant une baisse de la valeur du patrimoine, et une division regrettable
entre les villageois.
Bref, la corruption ou
la prise illégale d’intérêt des élus est un moyen efficace pour imposer aux
citoyens des décisions qu’ils ne souhaitent pas. C’est pourquoi, il n’est pas
étonnant qu’une grande partie des projets éoliens soient implantés sur les
terres mêmes des élus ou sur celles de leur famille. C’est pourquoi, c’est plus
d’une centaine de plaintes qui ont été déposées à ce jour auprès des procureurs
ou des procureurs généraux avec information au Ministère de la Justice via le
Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC). Là encore, les
promoteurs minimisent ces affaires qui sont pourtant endémiques et que l’on
retrouve selon un mode opératoire voisin dans l’Europe entière.
Economie Matin : Face
aux promoteurs, quelles sont les victoires obtenues par vos actions ?
Le combat que nous
menons se doit d’être global et sans réserve. Les promoteurs ne sont pas des
enfants de coeurs et nous devons subir de drôles de pratiques. Les batailles ne
se gagnent pas par des diners mondains avec les préfets ou des hauts
fonctionnaires. Non les combats doivent être acharnés et associer
communication, recours juridiques, action pénales le cas échéant et
sensibilisation des élus à l’échelle locale et nationale ce qui nous est - que
je sache - encore autorisés par la République et la Déclaration des Droits de
l’Homme. Seuls les combattants déterminés obtiennent des victoires. Ceux qui se
ramollissent et faiblissent n’auront que leurs yeux pour pleurer avec un parc
éolien à la clef pour 40 ans.
Par une action
méthodique et structurée, l’action cumulée des 1500 associations locales, du réseau
Ulysse et des deux fédérations nationales Fédération Environnement Durable
(FED) et Vent de colère (VDC) ont permis de nombreuses victoires : nous avons
obtenus, l’annulation de l’arrêté de rachat, que le Conseil constitutionnel
reconnaisse l’inconstitutionnalité de la loi sur les Schémas régionaux éolien
(SRE), un grand nombre de SRE ont été annulés par les juridictions
administratives, un nombre important d’élus ont été condamnés pour prise
illégale d’intérêt, (des plaintes pour corruption vont suivre), un nombre
important de permis de construire sont actuellement refusés par les préfets ou
annulés par les tribunaux, les médias ont changé leur regard sur le sujet avec
de nombreuses émissions sur les dangers de l’éolien. Bref, nos actions font
mouche et l’opinion publique commence à prendre conscience du danger de cette
industrie à grande échelle.
Face à vos victoires,
quelle est l’attitude des promoteurs ?
Face à nous qui sommes
bénévoles, et agissons avec de faibles moyens, les multinationales du vent
déploient des moyens financiers considérables et paient des lobbyistes qui
tentent d’infléchir les décisions politiques. Ils ne s’en cachent pas
d’ailleurs. L’année dernière le Président du syndicat éolien France Energie
Eolienne (FEE) avait écrit aux députés pour leur demander d’envisager de
modifier rien moins que le délit de prise illégale d’intérêt…
Il
est intéressant de noter que malgré les réformes importantes qui ont largement
facilité la libéralisation de l’éolien, les promoteurs n’ont pas réussi à faire
progresser le nombre de parcs installés en 2015. La machine est belle et bien
grippée, et on comprend pourquoi le syndicat FEE a remercié son ancien
Président Frédéric Lanoë - qui a étonnamment disparu du Conseil
d’Administration et de l’organigramme du syndicat, et musclé son équipe avec un
Président plus institutionnel, polytechnicien ancien de la Direction Générale
de l’Armement et un ancien Préfet de Région également ancien Président de la
commission nationale du débat public (ce qui n’est pas sans poser de question
pour ce dernier).
Enfin,
sans que l’on puisse affirmer d’où viennent ses attaques, un certain nombre
d’acteurs de la résistance anti-éolien ont eu leur ordinateur piraté et aspiré
de manière concomitante. Moi-même je suis actionné en diffamation par un
promoteur. Quelque soit le résultat, le débat suscité autour de cette action
sera pour nous un moment opportun et propice pour dévoiler publiquement
certaines pratiques des industriels du vent ….
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