lundi 27 janvier 2020

Les plus marquantes de Janvier 2020 : Transition énergetique versus Changement du Climat


Publié décembre 2019 Progressistes (science travail & environnement)
Françoise FICHEUX est ingénieure, expert à l’Institut énergie et développement.
Dans l’état actuel de la technique, le « 100 % renouvelables » de l’ADEME est une utopie.
L’INTERCONNEXION NE SUFFIRA PAS,  le réseau de transport français est interconnecté avec les réseaux des pays limitrophes, les interconnexions doivent permettre les échanges commerciaux entre les États membres et créer ainsi un marché unique de électricité couvrant toute l’UE, ce qui est censé faire baisser les coûts. Or les électrons n’obéissent pas aux lois de Bruxelles mais à celles de Kirchhoff.
https://revue-progressistes.org/2019/12/18/le-systeme-electrique-contraintes-physiques-et-decisions-politiques-francoise-ficheux/?fbclid=IwAR2KwZgwDPFTts2_lrwWe9plLeQwEbOIIVCqkouD196rG4S9a7x4UbCMacc 


Publié le 30/12/2019 Marianne  
Jean-Marc Jancovici évoque la décennie 2020 : "Pour résoudre le problème écologique, il faudra baisser notre pouvoir d'achat. https://www.marianne.net/politique/jean-marc-jancovici-evoque-la-decennie-2020-pour-resoudre-le-probleme-ecologique-il-faudra 


Publié le 14/01/2020 Greenunivers 
Emmanuel Macron ne croit pas à une forte croissance de l’éolien terrestre
https://www.greenunivers.com/2020/01/emmanuel-macron-ne-croit-pas-a-une-forte-croissance-de-leolien-terrestre-221942/?fbclid=IwAR1KJAsktUCnm5Dr8_4wyzu65jD-SBuWe-2eXLJ65Id71DIXuxIgysFuzhU 


Publié le 23/01/2020 Le Point.fr,
Julien Aubert, député LR de Vaucluse, président de la commission d'enquête parlementaire sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergie renouvelable.
Monsieur le Président, vous devez changer de méthode »
https://www.lepoint.fr/debats/julien-aubert-monsieur-le-president-vous-devez-changer-de-methode-23-01-2020-2359335_2.php


Ce que l’on peut retenir du rapport Aubert sur l’éolien


commission d'enquête sur l'impact économique industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transitions énergétiques.

La commission d’enquête « sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’accessibilité sociale des politiques de transition énergétique », présidée par le député Julien Aubert (LR), vient de rendre ses conclusions, sur un rapport de la députée Marjolaine Meynier-Millefert (LREM).

Ce rapport, touchant évidemment à la question éolienne, est accessible en suivant le lien: http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/impact_energies_renouvelables_ce. 

Son tome 1 contient le rapport d’enquête commenté ci-dessous, ses deux autres tomes la retranscription des auditions de la commission. Le premier tome du rapport comporte, outre la synthèse par la rapporteur des 100 auditions de la commission (pages 31 à 285), trois séries de propositions :
I. des propositions émises par le Président Julien Aubert dans son avant-propos (pages 9 à 29) :
Le président considère, en substance, que les objectifs techniques de la transition écologique doivent changer, en se concentrant sur la réduction des énergies fossiles. Les soutiens publics doivent ainsi être réorientés sur les actions d’efficacité énergétique à fort impact de réduction des émissions de CO2 : chauffage et transport.
Les conditions de la politique énergétique doivent être révisées en faisant droit à la demande d’acceptabilité sociale et environnementale.
La compréhension fiscale et la transparence peuvent être améliorées par la création d’une taxe unique liée à l’impact CO² des différentes énergies.
II. des recommandations de la rapporteur Marjolaine Meynier-Millefert (pages 287 à 293) :
Recommandations pouvant faire consensus :
- sortir du « produire +, mieux et – cher », privilégier les politiques visant à consommer moins, et sortir des logiques « tout électrique » ;
- mieux soutenir les EnR thermiques ;
- faire des économies d’énergie ;
- encourager la rénovation énergétique et lutter contre la précarité énergétique.
Idées générales acceptables mais recommandations concrètes non adaptées :
- mettre fin aux subventions dédiées aux EnR intermittentes : quand et comment ?
- améliorer la cohérence Etat – Région – EPCI en respectant les spécificités des territoires : comment ?
- mieux associer les citoyens : selon quelle mesure concrète ?
Un grand absent des recommandations : l’environnement
L’environnement se réduit dans le rapport à la baisse du CO², sans qu’aucun principe ne soit mis en exergue pour :
- réduire l’artificialisation des sols, protéger l’eau, la flore, la faune, les paysages et patrimoines ;
- protéger le cadre de vie et l’attractivité des territoires.
III. des propositions complémentaires émises par les membres de la Commission (pages 299 à 327).
***
Les recommandations de la SPPEF
Dès lors qu’il est acquis par le travail de la commission Aubert que les électricités intermittentes ne concourent pas à la réduction des émissions de CO², qu’il faut sortir d’une logique du « tout électrique » et faire droit à la demande d’acceptabilité dans les territoires, les propositions suivantes devraient être formulées :

1. Traduire les orientations de la Commission par un moratoire sur l’éolien :
Ce moratoire doit concerner l’éolien terrestre et maritime posé au sol. L’éolien flottant est, pour sa part, acceptable sous réserve d’un éloignement significatif et d’un accord des pêcheurs et des structures de protection de la faune marine et de l’avifaune.

2. Réviser la politique de soutiens budgétaires publics directs et indirects en :
- Cessant toute politique de soutien budgétaire aux électricités renouvelables dites matures (éolien et photovoltaïque) et réserver le dispositif de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) aux opérateurs disposant de leurs propres capacités de production ;
- Donnant la priorité à la rénovation énergétique des bâtiments, dans le respect du patrimoine, et aux solutions de mobilité réduisant l’empreinte carbone ;
- Soutenant les EnR renouvelables thermiques.

3. Renouveler les règles de l’éolien terrestre :
- Éloigner les éoliennes des habitations et des élevages de 10 fois leur hauteur, pales comprises ;
- Renforcer les garanties des riverains : procédures de programmation régionale et locale, enquête publique, etc. ;
- N’accepter le repowering que sous des réserves techniques (pas d’augmentation des hauteurs ni des émissions sonores sur toute la bande des fréquences) et procédurales (une nouvelle étude d’impact et une nouvelle enquête publique) ;
- Porter le dépôt de garantie pour le démantèlement à 75 k€ par MW installé, en prévoyant un retrait complet des fondations en béton.

4. Remplacer l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) par une structure indépendante des opérateurs privés de l’énergie.
***
Morceaux choisis
1. « La transition du nucléaire vers les énergies électriques intermittentes (éolien, photovoltaïque) n’a aucun impact sur le CO² et ne permet donc pas de lutter contre le réchauffement climatique. » (source : avant-propos, page 9)
« Lors de son audition… M. Jean François Carenco, le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), a ainsi convenu du fait que la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables électriques ne sont pas réalisés dans le but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre : « Il ne faut pas s’y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d’hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO2 et d’un prix de l’électricité maîtrisé. Nous émettons six fois moins de CO2 que nos voisins allemands et le prix de l’électricité pour un consommateur résidentiel moyen est de l’ordre de 180 euros par mégawattheure contre 300 euros en Allemagne. Le développement des énergies renouvelables électriques ne sert donc pas à réduire les émissions de CO2. Il faut le rappeler, car on dit beaucoup de mensonges à ce sujet. Cela n’a aucun sens et procède d’une forme de populisme idéologique. » » (source : avant-propos, page 11)

2. « La politique énergétique doit être écologique, au-delà du seul objectif carbone. Il ne peut y avoir de politique énergétique sans prise en compte des préoccupations liées à la biodiversité. »
« Il serait paradoxal, au prétexte de développer une énergie verte, de se montrer moins exigeant sur ce plan qu’à l’égard des entreprises de production gazière ou pétrolière et alors que dans le temps même où on aménage les terrils des anciens sites miniers pour les verdir, on en vienne, pour tenir des objectifs quantitatifs irréalistes, à installer des éoliennes gigantesques dans les zones de pêche au mépris des efforts de reconstitution de la ressource qui ont été conduits, ou dans des forêts, des zones boisées ou des couloirs de migration d’oiseaux protégés, d’installer des centrales solaires sur des terrains à vocation agricole ou d’envisager la dissémination d’installations de méthanisation quasi industrielles dont l’épandage de l’eau ammoniacale constitutive de leur digestat appauvrira la faune du sol et comportera un risque pour les nappes phréatiques. » (source : avant-propos, page 28)

3. Il faut « sortir du principe « produire plus, mieux, moins cher », et privilégier chaque fois que c’est possible les politiques visant à consommer moins. » (source : recommandations, page 287)

4. Il faut « sortir d’une logique « tout électrique » et utiliser la meilleure énergie pour un usage donné (en pensant aux travaux menés sur l’énergie). » (source : recommandations, page 287)
« Nos politiques énergétiques devraient tendre à faire coïncider la meilleure énergie décarbonée par rapport à son usage et à son environnement (exemple ENR thermiques pour le chauffage). » (source : idem)

5. « Il faut rapprocher les Français de l’énergie … » (source : examen en commission, page 298)
« … Sobriété et efficacité énergétiques d’abord, production ensuite. » (source : idem)

6. « L’acceptabilité sociale s’érode en partie par manque de clarté dans la définition et la compréhension des objectifs, la nature et la charge des financements, ainsi que par un manque de cohérence entre les soutiens apportés et les objectifs affichés eux-mêmes. » (source : avant-propos, page 28) 
« … au vert des intentions et des discours se mêle, de plus en plus, le gris des pratiques et des résultats.
« … Il apparaît clairement que le soutien aux énergies renouvelables électriques apparaît excessif … Il serait raisonnable de basculer une partie de ce soutien en faveur d’une diminution des émissions de CO2 en s’attachant d’abord au volet thermique de la transition énergétique.
« … Sous prétexte de sécurisation, les choix faits fragilisent le réseau électrique, le subventionnement profite de façon excessive à des acteurs qui n’en n’ont pas besoin et les priorités du transport et du logement, au regard de la diminution des émissions de CO2, sont reléguées au second plan.
« … Au nom de l’exemplarité dans l’action pour le sauvetage de la planète, on s’ingénie à détruire des paysages et bouleverser la vie des gens. On a un peu trop oublié qu’il est aussi question de l’Homme dans la politique énergétique, comme en toute politique. » (source : avant-propos, page 28)

Bruno Ladsous, responsable du groupe éolien de Sites & Monuments

mardi 21 janvier 2020

PROPOSITION DE LOI pour un développement responsable et durable de l’énergie éolienne

Une nouvelle proposition de loi présentée à l'Assemblée nationale où une député de Saône et Loire s'engage.



Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2020

présentée par Mesdames et Messieurs

Emmanuel MAQUET, Véronique LOUWAGIE, Laure de LA RAUDIÈRE, Marc LE FUR, Jean-Marie SERMIER, Valérie BEAUVAIS, Raphaël SCHELLENBERGER, Claude de GANAY, Arnaud VIALA, Bernard PERRUT, Laurence TRASTOUR-ISNART, Josiane CORNELOUP, Stéphane VIRY, Xavier BRETON, Éric PAUGET, Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, Emmanuelle ANTHOINE, Isabelle VALENTIN, Valérie LACROUTE, Guy BRICOUT, Rémi DELATTE, Daniel FASQUELLE, Éric STRAUMANN, Vincent DESCOEUR, Frédérique MEUNIER, Stéphane DEMILLY, Bérengère POLETTI,
députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’énergie éolienne n’est pas une énergie comme les autres. Elle est paradoxale à plus d’un titre. Le premier paradoxe est que c’est l’une des sources d’énergie les moins productives du fait de l’intermittence du vent, pourtant elle est l’une des plus soutenues par l’État, ayant déjà obtenu plus de 9 milliards d’euros d’aides directes sur les vingt dernières années. Ce chiffre, qui ne comprend pas les coûts induits, comme l’adaptation de notre réseau électrique, a été atteint pour la majeure partie en-dehors de tout contrôle budgétaire du Parlement.
Et cet engagement budgétaire est appelé à grossir : lors de son audition le 4 avril 2019 devant la commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a indiqué que les sommes d’ores et déjà engagées pour la période 2019-2043 étaient, selon les hypothèses de prix du marché, entre 21 et 25 milliards pour l’éolien terrestre et entre 20 et 23 milliards pour l’éolien en mer.
Cela représente, si l’on prend l’estimation la plus basse, une moyenne d’1,7 milliard par an pour la filière éolienne. Et ce, sans même compter les dépenses nouvelles liées aux nouveaux projets nécessaires pour remplir les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Celle-ci prévoit de porter la part de l’énergie éolienne à environ 15 % de notre production électrique en 2028. Dans son rapport spécial de juin 2019 sur la mission Écologie, développement et mobilités durables du budget 2018, M. Julien Aubert estimait l’impact budgétaire final du soutien public aux éoliennes, une fois rempli cet objectif, entre 72,7 et 90 milliards d’euros. Une somme colossale, équivalente à ce que la France a dépensé initialement pour se doter de son parc nucléaire, à ceci près que les éoliennes produiront cinq fois moins d’électricité et auront une durée de fonctionnement trois fois inférieure.
Si l’investissement public qui leur est consacré est sans commune mesure avec la capacité réelle des éoliennes à produire de l’électricité, l’investissement privé l’est tout autant. Tout se passe comme si la production d’électricité n’était pas la première chose que l’on attend des éoliennes. Compte tenu des conditions météorologiques, une éolienne ne fonctionne à pleine puissance en moyenne que 21 % du temps. En plus de ne pas pouvoir tourner quand il n’y a pas de vent, elles doivent aussi s’arrêter quand il y en a trop, sous peine de dégâts. C’est la raison pour laquelle, en 2017, lors du premier appel d’offres multi-technologies mettant en concurrence, pour 16 projets, à la fois des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, l’ensemble des projets ont été remportés par des installations photovoltaïques. Parmi tous les dossiers déposés et pour une même puissance, les panneaux solaires étaient en moyenne capables de produire autant d’électricité à un prix 27 % moins cher que les éoliennes. Cela n’a pourtant pas suscité la moindre remise en question des objectifs stratégiques de la France en la matière.
Cette faible productivité conduit naturellement à un impact particulièrement faible des éoliennes dans notre bouquet énergétique, soit 5,1 % de la production nationale en 2018. En l’occurrence, même si elles produisaient dix fois plus, elles n’auraient toujours aucun impact sur nos émissions de gaz à effet de serre, puisqu’elles s’inscrivent dans le contexte français où la production d’électricité est déjà décarbonnée à 98 %. C’est le deuxième paradoxe de cette énergie : les éoliennes sont devenues le symbole de la transition énergétique alors qu’elles n’ont dans notre pays aucun impact sur les émissions de gaz à effet de serre qui provoquent le réchauffement climatique, ayant principalement vocation à remplacer le nucléaire qui ne produit pas de CO2.
D’après la documentation Base Carbone de l’Ademe, qui prend en compte l’intégralité du cycle de vie des énergies, y compris l’extraction et l’acheminement des éléments nécessaires à leur fonctionnement, les émissions de CO2 du secteur nucléaire sont de 6 grammes par kWh d’électricité, soit deux fois moins que l’éolien terrestre (12,7 g CO2eq/kWh). Cela fait du nucléaire l’énergie la plus propre du marché avec l’hydraulique.
À ce sujet, des « fake news » se sont profondément ancrées dans l’opinion publique, puisque d’après un sondage BVA pour Orano publié en juin 2019, 69 % des Français pensent que l’énergie nucléaire contribue au réchauffement climatique, ce chiffre s’élève à 86 % chez les 18-34 ans. Un contresens flagrant au regard des chiffres précédemment cités. Par ailleurs, si l’on observe la consommation d’énergie finale de notre pays, l’électricité n’en représentait que 26,6 % en 2016. Ce sont bien les produits pétroliers qui restent la première source énergétique de notre pays, avec 36,1 % de l’énergie finale, ultra-majoritaire dans les transports et l’agriculture. À la lumière de ces informations, la Cour des comptes a estimé en mars 2018 que, pour répondre aux enjeux climatiques, les objectifs nationaux auraient dû se concentrer sur les énergies renouvelables thermiques permettant de remplacer les produits pétroliers.
Ce n’est pour l’instant pas le cas, puisque le soutien public aux énergies renouvelables électriques est de l’ordre de dix fois supérieur au soutien aux énergies renouvelables thermiques. La Cour en tire la conclusion que l’objectif de la politique énergétique n’est pas de lutter contre le réchauffement climatique, mais de remplacer une énergie propre par une autre énergie propre plus coûteuse : « La place consacrée aux énergies renouvelables électriques dans la stratégie française répond à un autre objectif de politique énergétique, consistant à substituer les énergies renouvelables à l’énergie de source nucléaire. »
Les objectifs très volontaristes de développement éolien sont donc largement déconnectés de leur performance et de leur utilité climatique. Pire, ils demandent à nos concitoyens, en plus d’un effort financier, un effort sociétal pour les accepter malgré des externalités négatives conséquentes. C’est le troisième paradoxe éolien : alors que la silhouette distinctive des éoliennes est connotée très positivement auprès des médias et des gouvernements qui l’associent à une démarche environnementale vertueuse et progressiste, l’ampleur de leur impact sur le cadre de vie, particulièrement dans les campagnes, est inédit dans l’histoire. La physionomie des horizons ruraux, forgée par une structure agraire séculaire, n’avait jamais été aussi lourdement influencée par un élément industriel. C’est une profonde remise en question de la notion même de ruralité telle qu’elle est conçue et chérie dans notre inconscient collectif et qui constitue notre patrimoine immatériel au charme reconnu dans le monde entier. La présence de ces turbines y compris aux abords de monuments historiques peut sévèrement atteindre leur attractivité.
Pire, les nuisances sonores et électromagnétiques occasionnées par les éoliennes aux abords des zones d’habitation, ainsi que le brassage d’air qu’elles occasionnent, sont souvent évoqués par les riverains comme des nuisances pouvant affecter leur qualité de vie, mais aussi la valeur de leur patrimoine immobilier. La destruction massive d’oiseaux est également évoquée. Ces aspects n’ont manifestement pas fait l’objet d’études assez poussées de la part des pouvoirs publics, et mènent à la généralisation du mécontentement dans les départements les plus dotés en éoliennes.
Cette sous-évaluation des impacts négatifs des éoliennes constitue un autre paradoxe : malgré une popularité en apparence solide (d’après un sondage Harris Interactive pour France Énergie Éolienne d’octobre 2018, 73 % des Français ont une image positive des éoliennes), aucune autre industrie ne suscite autant de contestations judiciaires et sociales qui se manifestent par un taux très élevé de recours en justice. La situation est telle que le Gouvernement s’est résolu à supprimer par décret un degré de juridiction pour accélérer la purge des recours contentieux contre les éoliennes terrestres : une dérogation inédite qui vise à taire le malaise que suscite cette technologie dans l’opinion publique. Dans ce contexte, les outils de démocratie directe sont clairement mal pensés et donnent le sentiment qu’ils servent à écouter les promoteurs plutôt que le peuple. Un peuple qui ne bénéficie pas vraiment des retombées de la filière éolienne.
Évoquons enfin le cinquième paradoxe des éoliennes : malgré la place de premier ordre prise par la France dans le domaine éolien (7e pays mondial en terme de puissance installée), les retombées industrielles, commerciales et en termes d’emploi sont incomparablement plus faibles que celles que l’on peut observer dans d’autres pays voisins. Le secteur ne fournit que 18 000 emplois actifs, directs et indirects en France, moins d’un quart étant des emplois industriels. Par ailleurs, la balance commerciale de la filière était encore négative en 2015, avec environ 951 M€ d’importations pour 663 M€ d’exportations (rapport de 2017 de l’ADEME sur la filière éolienne française). En réalité, la France a échoué à créer le moindre champion industriel, important la plupart de ses équipements des leaders allemands et danois.
Dans ces conditions, une réforme globale et profonde du système éolien est nécessaire. La présente proposition de loi n’est pas une tentative d’opposition à la filière éolienne, dont les vertus sont reconnues, notamment la diversification de notre bouquet énergétique. Il s’agit simplement d’ancrer son développement dans une série de règles plus respectueuses de l’argent public, du cadre de vie de nos concitoyens et des impératifs de notre équilibre énergétique.
L’article premier établit un moratoire sur l’installation de nouvelles éoliennes afin de prendre le temps de la réflexion. Toutes les raisons évoquées ci-dessus donnent à penser qu’un emballement s’est produit. Ce moratoire permettra de clarifier les règles relatives à la filière. En Espagne, un tel moratoire a été mis en œuvre entre 2013 et 2016, ce qui a permis au pays de revoir sa réglementation. Cette décision a été bénéfique et n’a pas empêché l’Espagne de devenir l’un des leaders européens de l’éolien, qui couvre aujourd’hui 20 % de sa consommation d’énergie. Un moratoire a également été nécessaire en France en 2010 pour calmer l’emballement sur les panneaux solaires.
Une fois ce moratoire mis en place, les autres articles proposent toutes les réformes propres à constituer un meilleur cadre pour le développement durable et responsable de cette énergie.
L’article 2 vise à mettre fin aux aides publiques à la filière éolienne. En tant que filière mature et "au prix du marché", selon les mots du ministre de la transition écologique et solidaire, elle n’a manifestement plus besoin d’aides publiques.
L’article 3 vise à rendre obligatoire la mise en concurrence inter-technologies qui a déjà été essayée de manière concluante par le ministère de la transition écologique et solidaire.
L’article 4 vise à abroger les tarifs de rachat garantis.
L’article 5 vise à porter à 75 % l’importance pondérée du critère du prix des projets dans l’évaluation de la qualité des dossiers lors des appels d’offres.
L’article 6 vise à mettre en place un droit pour les régions de suspendre l’installation de nouvelles éoliennes dans le cas où ce qu’on pourrait appeler leur « indice d’effort éolien » (puissance installée par rapport à la surface par rapport au potentiel) serait trop supérieur à une autre région. Il s’agit de répartir l’effort équitablement entre toutes les régions de France en cohérence avec leurs capacités venteuses.
L’article 7 vise à supprimer l’exemption de la quote-part de raccordement pour l’éolien offshore, rajoutée par un amendement gouvernemental à la loi sur l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures en 2017. Cette exemption crée une distorsion de concurrence en France avec les autres filières (éolien terrestre, solaire photovoltaïque, etc.).
L’article 8 vise à réorganiser les retombées fiscales entre les communes d’où les éoliennes maritimes sont visibles. Actuellement, deux critères sont considérés : la distance qui sépare la commune des éoliennes et la population communale. Ce deuxième critère ne semble pas pertinent et devrait plutôt être remplacé par la longueur du linéaire côtier d’où les installations sont visibles.
L’article 9 vise à déclarer que le développement de l’énergie éolienne doit se faire dans le respect de l’environnement.
L’article 10 vise à améliorer la transparence et l’information du public en matière d’énergie éolienne, à l’aide d’un rapport annuel officiel qui contiendrait plusieurs informations actuellement difficiles d’accès ou disséminées.
L’article 11 vise à fixer la distance d’éloignement minimale entre les habitations et les éoliennes proportionnellement à la hauteur de ces dernières, conformément à la recommandation formulée par l’Académie de médecine dans son rapport de 2017. Ce rapport indique que les nuisances sont liées à la puissance des éoliennes, et donc à leur taille. Il précise également que plusieurs études « concluent qu’à l’intérieur d’un périmètre de 1,5 kilomètres le bruit émis par les éoliennes perturberait la qualité du sommeil ». Pour ces raisons, il est proposé de fixer un multiplicateur de huit fois la hauteur de l’éolienne, pales comprises. Cela permettrait que les éoliennes de 180 mètres de hauteur soient éloignées de près d’1,5 kilomètre des habitations. En France, la taille moyenne d’une éolienne est de 135 mètres : la distance d’éloignement des habitations passerait de 500 mètres actuellement à un kilomètre, soit la distance actuellement envisagée par les pouvoirs publics allemands.
L’article 12 reprend le dispositif adopté au Sénat en 2016 visant à protéger le patrimoine de l’implantation débridée d’éoliennes en demandant l’avis favorable des architectes des bâtiments de France (ABF) lorsque les turbines seront implantées en covisibilité avec des monuments historiques ou des sites de l’UNESCO.
L’article 13 vise à rendre obligatoire le démantèlement complet du socle en béton des éoliennes lors de la remise en état des sites. Actuellement, les textes réglementaires ne prévoient d’enlever le socle que sur un mètre de profondeur en zone agricole et deux mètres en zone forestière, or ces socles atteignent parfois une vingtaine de mètres de profondeur. Cela représente, fin 2018 environ 7 millions de tonnes de béton armé laissés dans les sols partout en France. L’obligation d’excavation des socles en béton armé serait, d’après M. Charles Lhermitte, vice-président de France Énergie Éolienne, « très simple et pas beaucoup plus coûteux ». Il est donc proposé de la mettre en place.
L’article 14 vise à faire de la garantie obligatoire exigée en prévision du développement des éoliennes, fonction du coût de construction du parc. En effet, actuellement, la garantie est fixée par l’arrêté du 26 août 2011 à 50 000 € par éolienne. Lors de la commission d’enquête, M. Jean-Yves Grandidier, fondateur et président du Groupe Valorem, a précisé : « Le démantèlement d’un parc éolien coûte 50 000 à 75 000 euros par MW, soit 3 % à 5 % du coût de construction. » Il est donc proposé d’exiger une garantie de 5 % du coût de construction.
L’article 15 vise à rendre obligatoire la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) avant tout lancement de procédure de mise en concurrence pour la construction et l’exploitation d’éoliennes terrestres, comme c’est déjà le cas s’agissant de l’éolien offshore. Il est primordial que le public soit consulté, notamment sur la localisation du projet, afin de pallier le déficit démocratique et de légitimité qu’occasionne souvent une prise de décision unilatérale s’agissant des projets d’éoliens terrestres.
L’article 16 vise à ce que l’avis conforme en cas d’installation d’éoliennes en mer ayant un impact sur les fonds marins soit obligatoirement délégué aux parcs naturels marins.
 

lundi 20 janvier 2020

Éolien, les ONGs déposent un programme alternatif sur l’énergie

Communiqué :


Madame, Monsieur,

Plusieurs ONG nationales et régionales de protection de l’environnement et du patrimoine (*) ont déposé le vendredi 17 janvier 2019 au Ministère de la Transition énergétique et solidaire et  à l’Hôtel Matignon un programme alternatif pour la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) 2019-2028.

La PPE en cours d’examen par le gouvernement  engagera la France  pour plusieurs années. Elle  a pour objectif d’assurer à la Nation son indépendance  énergétique, concrétiser ses devoirs au plan environnemental et  permettre  de respecter ses engagements au regard de la stratégie internationale bas carbone. Pour être acceptée elle doit être économiquement viable et  socialement juste.
Le projet de  PPE actuel élaboré par les services du Ministère de l’environnement est centré sur l’augmentation des énergies renouvelables intermittentes électriques, et en particulier la multiplication d’implantations de nouvelles éoliennes  terrestres. Il ne répond pas aux critères précédents, et engage une dépense inadaptée aux enjeux et moyens de la Nation.
En particulier, privilégiant les solutions « tout électrique » et notamment l’éolien, il est déconnecté des grands objectifs publics comme la reconquête de la biodiversité ou celui de la protection du patrimoine, de la nature et des paysages. Il ne respecte pas la  Charte de l’Environnement.
Générateur d’artificialisation des territoires ruraux agricoles et naturels, l’éolien engendre  une résistance croissante des riverains victimes qui ont le sentiment d’une injustice, et  il multiplie les conflits juridiques. Lors d’une récente table-ronde consacrée à l’écologie, Emmanuel Macron en  exprimant son scepticisme sur le développement de l’éolien terrestre en France a pris ainsi acte de l’erreur de ce  projet actuel de  la   PPE. Il a déclaré « Soyons lucides : la capacité à développer massivement l’éolien terrestre est réduite ». Il a ajouté « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays » et estimé « qu’on ne peut pas imposer l’éolien d’en haut. »
Le moment est venu d’en tirer toutes les conséquences, et d’engager une nouvelle PPE intégrant les orientations fortes figurant dans ce programme alternatif proposé, plus respectueuses de l’environnement et moins chères pour les finances de notre pays.
En déposant ce programme alternatif, nos Fédérations exercent leur droit constitutionnel à participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Le 17 janvier 2020

Contact Presse :
Bruno Ladsous, administrateur de Sites & Monuments, ladsousbruno@gmail.com tél 0649693959
(*) parmi les 25 fédérations et associations déposantes : Fédération Environnement Durable, Fédération Vent de Colère, Patrimoine Environnement, La Demeure Historique, VMF Patrimoine, Sites & Monuments (SPPEF), Collectif Energie Vérité, et de nombreux collectifs régionaux (Normandie, PACA, Bourgogne, Occitanie, Grand-Est, Hauts-de-France, Val de Loire …).