dimanche 13 novembre 2022

Acht! Encore les Français

 

Allemagne : « Nous n’en sommes pas fiers, mais prolonger les centrales nucléaires était nécessaire »

interview Face à la crise énergétique, Berlin prolonge le fonctionnement des trois dernières centrales nucléaires du pays. Une décision qu’analyse Walter Glöckle, du ministère de l’Environnement de Baden-Württemberg

Propos recueillis par Manon Aublanc 09/11/22


Elle était prévue pour cette année, mais il faudra attendre encore quelques mois - peut-être même plus - pour assister à la sortie définitive du nucléaire en Allemagne. Mi-octobre, après plusieurs mois de tractation au sein de son gouvernement de coalition, le chancelier, Olaf Scholz, a annoncé le prolongement des trois dernières centrales du pays encore en activité jusqu’au 15 avril 2023. En toile de fond : la crise énergétique qui touche l’Europe.

Si la guerre en Ukraine est l’une des principales raisons avancées, la France - et la réduction de son parc nucléaire - est également responsable, selon Walter Glöckle, le chef du département nucléaire au ministère de l’environnement du Land de Baden-Württemberg. 20 Minutes est allé à la rencontre de cet expert dans les bureaux de son ministère, à Stuttgart.

Que pensez-vous de la décision du gouvernement allemand de prolonger le fonctionnement des trois dernières centrales nucléaires en activité ?

En tant que ministère « vert » de l’Environnement, nous ne sommes pas particulièrement fiers de cette décision. Mais il s’agit d’une situation particulière avec la guerre en Ukraine.

Cet été, les quatre gestionnaires du réseau allemand d’électricité - 50Herz Transmission, Amprion, TenneT TSO et TransnetBW - ont réalisé un « stress-test » pour assurer la stabilité du réseau pendant l’hiver 2022-2023 et déterminer les mesures à prendre afin d’éviter des situations de crise énergétique.



Même avec les hypothèses les plus sévères, il n’y aura pas de « black-out ». Ce qui peut arriver, en revanche, c’est une instabilité du réseau. C’est pourquoi le gouvernement fédéral a choisi de prolonger temporairement ces trois centrales. Nous avons donc soutenu cette position car elle était nécessaire.

La population comprend-elle cette décision ?

Les discussions autour du nucléaire font partie du débat public depuis très longtemps en Allemagne, avec beaucoup d’arguments pour et contre. Je pense que la population comprend que laisser trois centrales nucléaires fonctionner pendant trois mois ne serait pas si néfaste. Cependant, il est essentiel que nous restions sur la bonne voie pour sortir progressivement de cette énergie. Car la population allemande plaide pour accélérer le développement d’énergies renouvelables.

Elles pourront nous rendre plus indépendants des énergies fossiles. Installées en quantités suffisantes, elles sont principalement capables de couvrir les besoins de base. Autrement dit, elles sont notre meilleure option pour le futur.

Je pense vraiment qu’il s’agit d’une décision temporaire, qui doit durer jusqu’àu 15 avril 2023. En ce qui concerne l’hiver 2023-2024, nous avons plus de temps pour nous préparer et éviter, comme cette année, de prolonger des centrales. D’autant plus que le gouvernement fédéral a anticipé en lançant de nombreuses mesures. Dans certains cas, elles sont déjà mises en place.

L’Allemagne a par exemple décidé de construire un cinquième terminal flottant d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le port de Wilhemshaven, sur la mer du Nord. Les réseaux électriques ont été renforcés pour augmenter leurs capacités de transport, et les centrales à charbon ont été prolongées jusqu’au printemps 2023.

Cette décision de prolonger trois centrales nucléaires a-t-elle été prise en raison de la crise énergétique ou à cause de la France ?

La possible instabilité sur les réseaux à laquelle on doit se préparer cet hiver est liée à plusieurs choses. Il y a la hausse des prix de l’électricité et du gaz liée à la guerre en Ukraine. On s’attend aussi à ce qu’il n’y ait pas suffisamment de production d’énergie en Europe occidentale cet hiver, notamment à cause la réduction du parc nucléaire français.

Selon les informations auxquelles nous avons eu accès, il y a plusieurs problèmes dans les centrales françaises. D’abord, de corrosion. Plusieurs cas de fissures ont été relevés dans les tuyaux, ce qui a entraîné l’arrêt de réacteurs. Ce sont des problèmes difficiles à détecter et à réparer. Les réacteurs concernés vont mettre du temps à être remis en service.

Deuxièmement, il y a eu la crise du coronavirus. Normalement, la France - et d’autres pays - profite de la période estivale, où il y a moins de demande en électricité, pour effectuer des opérations de maintenance ou de routine, comme le rechargement de combustible pour l’hiver. Mais avec le confinement, ces travaux ont pris du retard. Certaines centrales sont actuellement fermées pour effectuer des opérations qui auraient dû être faites avant.

La guerre en Ukraine a-t-elle rebattu les cartes sur l’énergie ?

Avant l’offensive russe en l’Ukraine, le secteur énergétique allemand était fortement dépendant des importations d’énergie en provenance de Russie - charbon, gaz naturel, pétrole brut. En raison d’embargos, de la réduction des livraisons ou de la destruction de pipelines, ces importations ont été réduites ou sont sur le point de l’être. Il a donc fallu que l’Allemagne trouve des solutions de remplacement pour ces ressources – dans le cas du gaz naturel, via d’autres pays comme la Norvège, ou sous forme de gaz naturel liquéfié. L’Allemagne a aussi réalisé d’importantes mesures d’économies d’énergie pour réduire la consommation des industries et des foyers.

Ce conflit a changé beaucoup de choses, mais l’importance de la sécurité de l’approvisionnement énergétique et la nécessité de la transition écologique ne sont pas nouvelles. Nous avons plutôt appris que les changements doivent arriver plus vite que prévu. C’est pour cette raison que le développement des énergies renouvelables doit être également plus rapide.

Doit-on craindre un incident nucléaire avec ce prolongement ?

Le nucléaire est une énergie à haut risque. Il y a peu de probabilité qu’un incident arrive, mais si c’est le cas, il peut être rapidement dramatique. C’est la raison pour laquelle l’Allemagne avait décidé, dès 2001, de progressivement mettre fin au nucléaire.

Depuis, les centrales ont fermé les unes après les autres. Il en reste seulement trois - Isar 2 en Bavière, Neckarwestheim en Bade-Wurtemberg et Emsland en Basse-Saxe - qui devaient être fermées d’ici à la fin 2022. Finalement, elles resteront en activité jusqu’au printemps. Les centrales étaient sûres jusqu’ici, il n’y a pas de raison qu’elles ne le soient pas trois mois de plus. En revanche, la sécurité reste un enjeu clé du nucléaire. Les exploitants devront fournir les preuves de sûreté nécessaires pour exploiter ces centrales.

La fin progressive des centrales nucléaires ne va-t-elle pas faire augmenter l’utilisation des centrales à charbon ?

Il est vrai que les centrales à charbon génèrent de fortes émissions de CO2. Comme pour le nucléaire, c’est une énergie qu’il faudra supprimer dès que possible. Leurs fermetures étaient prévues pour 2038, et le nouveau gouvernement a accepté d’avancer cette échéance à 2030 pour atteindre ses objectifs climatiques.

Mais la guerre en Ukraine a changé la situation, on a dû réouvrir certaines centrales à charbon pour garantir notre approvisionnement énergétique dans les mois à venir. Toutefois, j’ai bon espoir que l’Allemagne sorte progressivement du charbon et que le pays accélère le développement d’énergies renouvelables. Il nous faut un avenir vert et sans énergies fossiles.


Hommage à Jacques Pieltin

 

Jacques Pieltin est malheureusement décédé le 12 Novembre 2022. Nous perdons d'abord un ami très cher, très proche depuis une dizaine d'années.
Nous perdons aussi  un expert remarquable, qui a sauvé la Saône-et-Loire d'un désastre écologique et patrimonial.
En son hommage, vous trouverez ci-après un texte, sa réponse au maire de Cruzilles-les Mépillat, qui reflète son engagement et qui est totalement d'actualités.

Lorsqu’on n’a rien à dire, on évite le débat. C’est bien ce qu’a fait Monsieur le maire de Cruzilles-lès-Mépillat. Le président de Don Quichotte 01 a vivement regretté l’absence des élus de Cruzilles au début de la réunion, et en particulier celle du maire du village.

 

Olivier DUBAR (AVDSM) et Jacques PIELTIN en 2018


Monsieur le Maire, je ne répondrai pas à vos attaques personnelles. Elles ne vous grandissent pas. Vous faites dans la facilité en me classant dans les vieilles barbes rabâchant des arguments usés. Mais êtes-vous seulement en mesure de contredire une seule des données techniques, une seule des analyses, une seule des études internationales sur lesquelles je base mon argumentation ? 

Vous me classez dans les pro-nucléaire. Avec quelles preuves ? Appartiendriez-vous par hasard à cette catégorie de pseudo-écologistes qui pensent que le combat contre le nucléaire passe par une défense acharnée de l’éolien, quelles qu’en soient les conséquences pour les riverains ? Tout donne à le croire, puisque, comme eux, vous vous bouchez le nez en invoquant la pestilence du nucléaire et de ses suppôts dès lors qu’on ose parler des nuisances de l’éolien.

Je n’ai rien contre le nucléaire, mais rien pour non plus. Je suis avant tout un technicien, et je laisse aux politiques le soin d’en débattre. Je ne fais d’ailleurs partie d’aucune association. Merci Monsieur le Maire, de me donner l’occasion de le rappeler. En revanche, personne ne m’empêchera, en tant que citoyen, de dénoncer les contradictions et les absurdités de l’éolien. Monsieur le Maire, si vous vous étiez donné la peine de vous informer et de regarder comment fonctionne le système électrique français, vous vous seriez aperçu que l’éolien n’existe en France que grâce aux subventions très généreuses qui le font échapper à la loi du marché, et qu’il coûte beaucoup trop cher à la fois au consommateur et au contribuable, ainsi que l’a rappelé la Cour des Comptes en 2018 dans son rapport sur les renouvelables.

Si vous m’en donnez l’occasion, je me ferai un plaisir d’expliquer devant le conseil municipal de Cruzilles-lès-Mépillat pourquoi l’éolien est si cher, mais aussi pourquoi il n’est ni une énergie locale, ni une énergie aussi propre que le prétendent les promoteurs. Et vous verrez que le nucléaire n’a rien à voir là-dedans.

Si vous connaissiez un tant soit peu l’histoire de l’énergie en France, vous sauriez que l’éolien s’est développé de façon massive essentiellement pour des raisons politiques. En 2007, le Grenelle de l’Environnement, qui trouve son origine dans le premier « paquet climat » négocié avec l’Europe, avait surtout pour objectf de prendre de vitesse les revendications des écologistes. Le second Grenelle leur a coupé l’herbe sous le pied avec l’obligation des 500 mâts par an contenue dans la loi de 2010. En 2012 et 2017, les candidats à la présidence avaient absolument besoin de 5 % des voix écologistes pour se faire élire. Une politique de développement à marche forcée de l’éolien aura permis pendant plus de dix ans de faire miroiter un mythe, celui du remplacement du nucléaire par les renouvelables.

L’Allemagne, qu’on présente souvent comme un modèle, n’a pas réussi ce rêve absurde. Elle arrive aujourd’hui à produire 1/3 de son électricité grâce aux renouvelables, mais à quel prix ? On nous cache soigneusement qu’elle dispose en fait de deux parcs de production. Le premier est un parc utile, pilotable à volonté, basé sur le charbon, le gaz …et le nucléaire, qu’on essaie de remplacer par du gaz… russe. Le second est un parc de luxe intermittent et aléatoire qui fonctionne quand il y a du soleil et du vent. Évidemment, entretenir deux parcs de production au lieu d’un seul coûte cher, et c’est bien pour cela que les Allemands paient leur électricité deux fois plus cher que nous. De plus, bien que disposant de 4 fois plus d’éolien que nous et de 5 fois plus de solaire, l’Allemagne n’arrive pas à baisser ses émissions de CO2. Vive la production électrique française, décarbonée à 93 %, qui arrive à classer la France parmi les pays d’Europe les moins émetteurs !

Notre président vient, contre toute attente, de découvrir qu’on ne peut « imposer l’éolien depuis le haut ». Étonnant, non, quand on a déroulé un tapis rouge sous les pas du lobby éolien, quand on a essayé de museler les opposants à l’éolien en les empêchant d’accéder à la justice, ou en tentant de supprimer les enquêtes publiques ? Cela dit, ne faisons pas la fine bouche sur ce revirement. S’il est sincère, les préfets recevront sous peu des ordres être un peu plus regardants avant d’accorder des permis éoliens.

Il semble bien que notre président – qui nous promettait fin 2018 une électricité « fille du soleil et du vent » avec triplement de la production éolienne, ait fini par prendre conscience que la gabegie avait des limites. Les taxes sur les factures d’électricité ne suffisant plus à payer les subventions de l’éolien, il a en effet fallu créer de nouvelles taxes… sur le gaz et sur les carburants ! Mais l’abus de taxes est un puissant générateur de mécontentement – les gilets jaunes lui en ont administré la preuve – et sans doute a-t-il estimé qu’il était grand temps de réduire la voilure.

Je maintiens ici que l’éolien ne vit qu’en faisant les poches des Français, qu’il s’est développé grâce à des mesures anti-démocratiques, que la réglementation éolienne permet de graves entorses à la protection de la biodiversité, et qu’elle ne protège pas du tout la santé des riverains, bien au contraire. Pour couronner le tout, l’éolien participe au saccage des paysages de la France, première destination touristique au monde. Bref, l’éolien n’est utile à personne, sauf bien sûr au lobby éolien. Je suis prêt à en administrer les preuves.

Jacques Pieltin, ingénieur électromécanicien.
25 janvier 2020.