TRIBUNE. Pour Bernard Accoyer, la vulnérabilité énergétique de la France est imputable aux antinucléaires qui ont exercé le pouvoir ces dernières années.
Par Bernard Accoyer*
Publié le 01/08/2022 à 07:00
Selon la formule prêtée à Albert Einstein, « On ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés. » Pourquoi cela ne vaudrait-il pas pour la crise énergétique française ? La crise ukrainienne a révélé la vulnérabilité stratégique de la France en matière d'approvisionnement énergétique. Tout n'est cependant pas imputable à Vladimir Poutine. Dans les faits, notre dépendance au gaz russe est minime et la crise énergétique va se produire là où nous devrions aujourd'hui régner en maître et n'avoir aucune inquiétude : la production électrique. La France entre dans une crise énergétique à laquelle elle aurait dû échapper, si des décisions courageuses et raisonnables avaient été prises en temps utile.
L'exécutif incite à regarder ailleurs, se défausse ou invoque le contexte mondial. Personne n'est dupe : lui, ses conseillers, et les responsables de son administration, notamment RTE
(gestionnaire du réseau de transport d'électricité) et la Commission de régulation de l'énergie (CRE), sont bien les coresponsables de ce qui est en train de nous arriver. Depuis l'élection présidentielle de 2012, des décisions politiques malheureuses ont été prises en oubliant les lois de la physique et en occultant les conséquences de ces choix, malgré les mises en garde de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Ainsi, ce sont 12 gigawatts (GW) de capacités de production d'électricité pilotables qui ont été supprimés depuis dix ans, avec notamment la fermeture avancée de la centrale nucléaire de Fessenheim (Alsace) – pourtant en parfait état de fonctionnement –, une véritable faute industrielle exigée par l'écologie politique, une trahison énergétique.
Plusieurs mises en garde
La fermeture de ce qui représente plus de 10 % des capacités de production comme le désinvestissement dans le nucléaire sont la cause de la crise française, en dépit des recommandations de tous les présidents de l'ASN, depuis 2007, alertant sur la nécessité de disposer de capacités de production de réserve pour pouvoir faire face à un incident générique sur le parc nucléaire. L'arrêt d'une partie de ce parc pour des phénomènes de corrosion sous contrainte constitue un tel incident, toujours possible dans tout système industriel. Les décisions de fermetures ont été le choix de politiques restés sourds aux avis techniques compétents. Se défausser sur le seul parc n'est pas recevable.
De nombreuses voix, en leur temps, avaient aussi mis en garde les gouvernements en 2014, 2017, 2019, sans être entendues. Hélas, les administrations chargées d'alerter les autorités sur les risques évidents résultant de ces décisions sont restées muettes. Un tel entêtement n'aurait pas été possible si la consanguinité entre le politique et les instances de régulation ou de production du secteur, particulièrement perverse, n'avait accouché d'un discours officiel reposant sur des analyses totalement biaisées.
Aveuglement idéologique
Sur le plan gouvernemental, la nomination de ministres militants antinucléaires à la tête du ministère chargé de l'Énergie a fait de la politique énergétique la monnaie d'échange successivement utilisée par François Hollande puis par Emmanuel Macron pour s'allier avec les décroissants et les antinucléaires.
Leurs desseins n'auraient cependant pas été rendus possibles si les agences de l'État n'avaient pas été idéologiquement détournées de leur mission de prospective, de conseil et d'alerte des pouvoirs publics, par des nominations à leur présidence de personnalités politiques, ainsi récompensées pour leur ralliement, en lieu et place de nominations de techniciens reconnus et politiquement non engagés.
C'est le cas, par exemple, de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), pilote de la pensée antinucléaire, présidée par Arnaud Leroy, ancien député socialiste, qui a publié un scénario « Vers un mix électrique 100 % renouvelable » (2018) ; ou de la nomination de l'ancien député François Brottes (socialiste), pivot de la loi Royal de 2015, à la tête de RTE, prescrivant la fermeture de 14 réacteurs en 2025, échéance repoussée ensuite à 2035, échéance tout aussi utopique. Puis son remplacement par Xavier Piechaczyk, en 2020, un proche du président de la République qui avait copiloté la rédaction de la loi de 2015.
RTE, instance responsable de l'équilibre du système électrique, chargée de transmettre les informations prospectives aux pouvoirs publics afin qu'il anticipe sa politique énergétique, n'a cessé de se contorsionner pour justifier des plans « zéro nucléaire » totalement inapplicables, au risque de se discréditer (janvier 2021), puis de produire des scénarios de stratégie électrique sur commande totalement inverses pour justifier le virage macronien de l'automne 2021. La Commission de régulation de l'énergie n'a pas échappé à cette « déprofessionnalisation » politique, contraire à l'indépendance indispensable des autorités « indépendantes » censées par définition conseiller ou trancher à distance des pressions politiques.
En finir avec le dogmatisme
Si l'on veut hâter la sortie de crise et le retour à une meilleure situation, il faut nommer à ces responsabilités des personnalités techniquement qualifiées sans lien avec l'exécutif ni engagement politique patent. Pour la sélection du meilleur candidat, la seule question qui vaille est : « Quelle compétence détient cette personne pour justifier son ambition d'exercer cette responsabilité hautement stratégique, au service de la France et des Français ? » Cela vaut notamment pour les grands acteurs du secteur – CRE, EDF, RTE…
Il faut maintenant sortir des errements qui ont provoqué cette crise.
Sur ce point, la proposition de nomination avancée par le président de la République à la présidence de la CRE est un continuum qui, si elle se concrétisait, placerait cette personnalité entre les mains des conseillers de l'exécutif, ceux-là mêmes qui portent en partage la responsabilité de la crise énergétique à laquelle la France aurait dû échapper.
Dans tous les scénarios, la sortie de crise sera longue. Il faut maintenant sortir des errements qui ont provoqué cette crise, oublier les positions dogmatiques, s'en tenir à la raison et engager sans plus attendre les mesures de redressement qui s'imposent.
* Bernard Accoyer est le président de PNC-France, une association pronucléaire. Il a été président (UMP) de l'Assemblée nationale de 2007 à 2012.
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