Article paru dans Capital.fr du 27 novembre 2015 écrit par Guillaume Chazouillères
Depuis quelques mois, associations et élus de ce département de
Bourgogne mènent une bataille musclée - et inédite - contre
l’implantation anarchique d’éoliennes. Un combat dont l’intensité monte
encore d’un cran à l’approche des élections régionales.
Est-ce un hasard si la fronde s’organise sur la terre qui
abrite Alésia, haut lieu historique de la résistance gauloise face aux
légions romaines ? Depuis quelques mois en tout cas, le département de
la Côte-d’Or (Bourgogne) mène une bataille sans précédent contre
l’invasion des éoliennes. Apportant de fait son soutien aux associations
anti-éoliennes, le président du Conseil départemental François Sauvadet
- ex ministre de la fonction publique de Nicolas Sarkozy - a adressé
une demande de moratoire au ministère de l’Ecologie pour stopper le
développement anarchique des projets. Une première en France ! En pleine
campagne pour les Régionales, François Sauvadet milite désormais pour
une révision complète du schéma d’implantation des éoliennes.Sur le terrain, les chiffres donnent, il est vrai, le tournis : en Côte-d’Or, plus de 300 projets d’éoliennes sont ainsi recensés (auxquels s’ajoutent 99 éoliennes déjà installées), ce qui en fait de loin le département le plus touché de Bourgogne, devant l’Yonne (160 projets et 75 "machines" installées). Rien que dans l’Auxois-Morvan, petit territoire de 205 communes entourées de prairies et forêts dont une partie est située sur un site protégé - le parc naturel régional du Morvan - , pas moins de 160 projets de mâts ont été repérés par les associations locales. "C’est bien simple, il ne se passe pas un jour sans que l’on découvre l’existence de nouveaux projets. De la folie !", s’alarme André Desmaret, correspondant en Bourgogne de la Fédération environnement durable.
Si le territoire est ainsi mité… c’est que le schéma régional d’implantation éolien instauré en 2012 est très (très) permissif. "La quasi-totalité des communes de Bourgogne ont été rendues éligibles à l’éolien. Un scandale pour une région dotée d’un riche patrimoine et, comble du comble, l’une des moins ventées de France", tempête Hervé Schick, président de l’association Lacour des mirages. Un scandale pour certains… mais aussi une aubaine pour les promoteurs qui multiplient les démarchages envers les maires des petites communes rurales, avec de sérieux arguments financiers à l’appui.
"En plus des loyers mirobolants de 3.000 à 5.000 euros par an promis pour la pose d’une éolienne dans un champ, les commerciaux appâtent les maires en leur proposant de financer des trottoirs, des terrains de boules... Des cadeaux évidemment très tentants pour des communes aux budgets souvent ric-rac", résume Hervé Schick. Plus troublant encore : "Certaines se sont vu proposer des chèques de 60.000 euros juste pour accepter d’accueillir des éoliennes, hors loyer bien entendu", se souvient Laurent Barbier, maire de Noidan, qui vient lui-même de faire annuler par le préfet deux projets actés par son prédécesseur.
Rarement concertée, la population locale n’est pas la seule à s’inquiéter de l’invasion de ces éoliennes géantes - 150 mètres de haut – qui peuvent êtes installées à 500 mètres des premières habitations. Des figures du tourisme local montent aussi au créneau, Dominique Loiseau en tête : la propriétaire du célèbre Restaurant 3 étoiles "Le Relais Bernard Loiseau" à Saulieu, voit ainsi d’un très mauvais œil les projets qui fleurissent autour de son établissement : "Les premiers mâts seront directement visibles depuis les chambres", s’insurge-t-elle.
Face à la montée de la grogne locale, on comprend mieux pourquoi François Sauvadet - qui n’a pas souhaité répondre à nos questions - s’est emparé de ce dossier brûlant. Certes, sa demande de moratoire a peu de chances d’aboutir. La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal lui a en effet opposé un refus catégorique dans sa réponse écrite du 25 août que nous avons consultée. Mais s’il se fait élire aux Régionales, il aura alors une nouvelle possibilité de faire bouger les lignes en mettant en œuvre l’une de ses promesses de campagne : la modification du schéma d’implantation éolien de Bourgogne.
Car la loi Notre sur la nouvelle organisation territoriale a renforcé dernièrement le poids de ces schémas régionaux. "A l’avenir toutes les règles qui seront contenues dans les schémas régionaux supplanteront les plans locaux d’urbanisme et devront donc être respectées par les communes. En bref, si le schéma d’implantation des éoliennes est strict, un élu ne pourra plus faire n’importe quoi", explique Francis Monami, avocat pour l’association anti-éoliennes ACB, qui lui-même attend un verdict de la Cour d’appel de Lyon pour faire annuler le schéma éolien de Bourgogne. Le combat ne fait, semble-t-il, que commencer.
Guillaume Chazouillères
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