jeudi 12 décembre 2019

Le nouvel ami du climat?


 COP25 – l'énergie nucléaire en pointillé

Cécile Crampon - sources COP25 et WNN

Événement phare autour des enjeux climatiques, la COP 25 sur le climat se tient du 2 au 13 décembre 2019 à Madrid, sous présidence chilienne. Si les sujets abordés relèvent cette année, en particulier, des océans, de la biodiversité, de l’adaptation, de l’économie circulaire, des villes, de l’électromobilité, le nucléaire, énergie bas carbone, est encore à la marge. Mais sa place dans le débat progresse.

Le nucléaire, ami du climat, reconnu au niveau européen

Le 28 novembre 2018, la veille de l’ouverture de la COP25, le Parlement européen a voté une résolution pour exprimer sa position sur la question climatique. En parallèle de ce texte, les eurodéputés ont reconnu le rôle de l’énergie nucléaire dans la lutte contre le changement climatique. Une grande première dans le monde de l'énergie.


Le nucléaire n’a pas encore sa place comme il le mérite à la COP...

L’énergie nucléaire est reconnue par la communauté scientifique pour ses faibles émissions de gaz à effet de serre. En prenant en compte les émissions générées sur l’ensemble du cycle de vie d’une installation, le GIEC classe le nucléaire au même niveau que l’éolien, 12 g CO2/kWhsur le plan international. Alors que le nucléaire représente la 2ème source d’éléctricité bas carbone dans le monde (après l’hydroélectricité), l’efficacité de l’énergie nucléaire à réduire les émissions est démontrée[1]. Pourtant, force est de constater que le nucléaire n’a pas toujours la place qu’il mérite aux COP.  Mais depuis 2015, il faut noter la présence de volontaires, principalement de la jeune génération européenne de l’Energy nuclear society (ENS) venant d’Espagne, de France, Pologne, République techèque, Japon et Canada. La SFEN est aussi co-fondatrice avec l’ENS et l’American Nuclear Society (ANS) de NuclearforClimate qui regroupe aujourd’hui près de 150 associations dans le monde.

C'est dans ce contexte qu'au lendemain de l’ouverture de la COP25, NuclearforClimate organisait une conférence[2] « No time to lose – Why the world needs all low-carbone energy sources to achieve its climate goals[3] », attirant un public diversifié.

... mais le nucléaire est reconnu par les grandes institutions  

Tous les orateurs ont noté les progrès réalisés par l'industrie nucléaire dans le débat sur le climat : l'initiative NICE Future garantit que le nucléaire est désormais correctement représenté à la dernière Conférence ministérielle sur l'énergie propre. Les récents rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et du Conseil mondial de l'énergie ont tous mis en évidence le rôle de l'énergie nucléaire dans la transition énergétique. De même, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a organisé sa toute première conférence sur le changement climatique et le rôle de l'énergie nucléaire, à laquelle le GIEC, le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, tous, ont participé.
Valérie Faudon a évoqué le rapport que l'AIE a publié en mai 2019 sur « L'énergie nucléaire dans un système d'énergie propre », et rappelé les propos de son directeur général : « Outre les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et d'autres technologies innovantes, le nucléaire peut apporter une contribution significative à la réalisation des objectifs énergétiques durables et améliorer la sécurité énergétique ». Cette remarque est loin d’être anodine quand on sait qu’en dépit de la part croissante des énergies renouvelables dans le bouquet électrique mondial, l'utilisation des combustibles fossiles reste inchangée.

Des questions sur le coût du nucléaire

Toujours à cette conférence, de nombreuses questions ont été posées, à commencer par Mario José Molina[4], sur l’économie du nucléaire. Jadida Najder, une consultante en génie nucléaire, a cité une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) analysant les raisons d'un ralentissement de la croissance de l'énergie nucléaire dans le monde. Selon le MIT, les mesures qui pourraient être prises pour arrêter ou inverser cette tendance doivent tendre vers la réduction du coût de construction de nouvelles capacités nucléaires et la création de conditions équitables qui permettraient à toutes les technologies de production à faible émission de carbone de rivaliser sur leurs mérites. « Nous nous réjouissons de l'avenir et nous savons que l'industrie nucléaire est prête à coopérer avec des sources d'énergie renouvelables de manière flexible », a-t-elle déclaré, ajoutant que le coût, la taille, la flexibilité et la modularité des petits réacteurs modulaires (SMR) offrent des solutions en termes production d'électricité mais aussi dans d'autres secteurs, comme le chauffage urbain ».


Sur les mines d’uranium et les autres ressources minérales

D’autres questions portaient sur l’exploitation d’uranium dans le monde et les relations avec les populations locales, sur la comparaison faite avec les autres sources d’énergie ou sur les ressources minérales du secteur minier.  Sébastien Richet a décrit les recherches du GISOC[5] sur les solutions bas carbone dans le contexte des scénarios 1,5 et 2 degrés du GIEC, et les objectifs de développement durable de l'ONU.
L'analyse du GISOC a établi un « facteur de limitation des éléments » (ELF) comme le rapport entre la consommation et les ressources jusqu'en 2050. Parmi les sources d'énergie étudiées, la plus grande ELF (plus de 20) est supportée par les batteries pour l'énergie solaire et éolienne en raison de la « limitation des éléments » du lithium et des métaux des terres rares. « Le plus petit ELF (moins de 1) est détenu par l'énergie nucléaire avec des réacteurs de retraitement et de génération IV car il n'y a pas de limitation d'élément. L'énergie nucléaire sans retraitement et les réacteurs de génération IV ont un ELF de 2, la limitation de l'élément étant l'uranium ». Et de conclure que « seul le développement de l'énergie nucléaire conjointement avec le retraitement et les réacteurs GEN IV, en association avec la bioénergie et le captage et le stockage du carbone, l'utilisation de véhicules électriques et, dans une certaine mesure, l'utilisation d'autres productions d'énergie dans les régions reculées, a le potentiel de satisfaire les différents Objectifs de développement durable (ODD) retenus dans notre document tout en répondant à l'urgence du changement climatique ».

Que faisons-nous face à l’urgence climatique ?

A cette question, Ignacio Araluce a décrit sa frustration devant le manque de compréhension concernant l'énergie nucléaire qui « est l'un des moyens les plus importants d'atténuer le changement climatique ».
« Nous devons agir maintenant. Une urgence pour la planète, pour l'humanité, nécessite toutes sortes de moyens pour agir. Le nucléaire et l'hydroélectricité, historiquement et aujourd'hui, continuent de contribuer le plus à la lutte contre les émissions de CO2, alors quel est le problème ? ». Notant que le nucléaire représente 40 % de la production sans CO2 dans son pays, l'Espagne, et 50 % en Europe, il a demandé pourquoi le nucléaire n'est pas pris en charge dans la taxonomie de la finance durable de l'Union européenne. « Pourquoi avons-nous confiance en les énergies renouvelables ? Parce que la technologie sur le stockage de batteries se développe, mais alors pourquoi ne pas avoir confiance dans l'avenir de la technologie pour le traitement des déchets radioactifs ? Pourquoi y a-t-il confiance dans une technologie mais pas dans une autre ? Nous devons soutenir toutes les énergies propres - renouvelables, hydroélectriques et nucléaire - et ne pas y mettre d'obstacles lorsque nous allons tous dans la même direction. Nous sommes en situation d'urgence climatique et nous devons tous travailler ensemble ».
Pour Jadida Najder, « les gens souffrent déjà à cause des émissions du passé, du présent et du futur. Nous savons quoi faire. Nous devons décarboniser le secteur de l'électricité. Nous devons électrifier le plus grand nombre possible d'autres secteurs et la plupart des prévisions montrent que la demande d'électricité va augmenter. La question est de savoir comment nous devrions produire toute l'électricité pour cette demande croissante ».

A suivre la COP25 qui se clôturera le 13 décembre 2019.

[1] D’après l’AIE, le nucl »aire a permis d’éviter cinq ans d’émissions de CO2 du secteur électrique dans le monde depuis 1970.
[2] Avec la participation de Valérie Faudon, cofondatrice de Nuclear for Climate et vice-présidente de la Société nucléaire européenne ( ENS), Ignacio Araluce, président du Forum espagnol de l'industrie nucléaire, Jadwiga Najder, vice-président du réseau ENS Young Generation Network, et Sébastien Richet, président de l'Initiative mondiale pour sauver notre climat (GISOC)
[3] Pas de temps à perdre - pourquoi le monde a besoin de toutes les sources d'énergie à faible émission de carbone pour atteindre ses objectifs climatiques
[4] Chimiste mexicain et prix Nobel de Chimie en 1995. Avec Paul Josef Crutzen et Frank Sherwood Rowland, il obtint en 1995 le prix Nobel de chimie « pour leurs travaux sur la chimie de l'atmosphère, particulièrement en ce qui concerne la formation et la décomposition de l'ozone »
[5] Le GISOC est une collaboration internationale de scientifiques et d'ingénieurs qui aide le GIEC.

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