Lettre
ouverte aux promoteurs du développement éolien dans le Parc Naturel
Régional du Morvan (PNRM).
Objet :
Comité syndical du 8 mars 2018
Madame,
Monsieur,
Dans
les années soixante, j’étais trop jeune pour porter un jugement
sur la décision de la création des parcs naturels régionaux. Si
déjà à l’époque les parcs naturels régionaux avaient suscité
de la méfiance, personne aujourd’hui ne peut remettre en cause le
bien-fondé de cette décision. Arrivé à l’âge de la retraite,
je mesure la chance de résider à proximité d’un espace préservé
et protégé dans lequel j’apprécie autant les silences que les
paysages. Je concède aujourd’hui la sagesse d’une volonté qui a
contribué à protéger un patrimoine remarquable, avec une identité
forte reconnue de rang national et international, tout en soutenant
un développement économique et une cohésion sociale.
Les
différentes chartes successives, approuvées par l’ensemble des
communes du territoire du parc naturel régional ont contribué à
l’élaboration de projets de protection et de développement
durable dans le Morvan. Développer des énergies renouvelables à
partir des matières premières disponibles qui ont fait la richesse
du Morvan, le bois, l’eau sont des initiatives respectueuses à la
fois de l’environnement et des engagements du parc. Les résultats
sont significatifs et les communes équipées de chaufferie à bois
participent à l’effort commun.
La
charte du parc élaborée pour la période 2008-2020 précisait que
« le PNRM n’a pas de capacité d’accueil du grand
éolien »1.
En acceptant l’installation d’éoliennes industrielles géantes
dans le PNR du Morvan, les responsables du parc devront nous
expliquer pourquoi ce qui n’était pas possible hier, est devenu
réalisable aujourd’hui!
J’ai
participé au rendez-vous des «Grands cafés» du parc en vue de
l’élaboration de la nouvelle charte 2020-2035. J’ai regretté la
faible participation et le manque d’implication de la population.
Parmi les nombreuses remarques émises à cette occasion, peu étaient
de la compétence du PNR du Morvan, démontrant une fois de plus
notre méconnaissance de l’institution. Mais reflétaient un
sentiment d’abandon et d’isolement de la population morvandelle.
Le Morvan, pauvre
et fragile,
est longtemps resté à
l'écart des grandes
voies migratoires.
C'est en grande partie l’éloignement
de grands
bassins industriels,
qui a
préservé cette région et a
contribué à faire ce que le
Morvan est aujourd’hui.
Une région
courtisée par des
citadins en manque de
nature et
à la recherche d’authenticité.
Mais
pour combien de temps encore, car
aujourd’hui, je la
pressens en danger?
Dans
les documents de travail résumant toutes ces assemblées, je n’ai
pas retrouvé, malheureusement, la forte opposition à l’éolien
industriel, que j’avais observé à Etang-sur-Arroux, Saint-Honoré
et surtout à Saint-Léger-sous-Beuvray.
L’éolien
industriel dans un PNR n’est pas une fatalité. Tous les 52 parcs
naturels régionaux ne se sont pas lancés dans l’éolien
industriel sous le prétexte de l’autonomie énergétique. Ce sont
les promoteurs éoliens qui ont profité du biais de l’autonomie
énergétique, sous le prétexte du respect des engagements de l’État
à recourir à 30% d’électricité d’origine renouvelable, en
sachant qu’il serait très difficile aux gestionnaires des parcs de
s’opposer à leurs projets. L’avis d’un PNR est rarement
sollicité par le promoteur. Le projet de parc éolien de Saint-Agnan
dans la Nièvre est révélateur à ce sujet. Le promoteur ignore
complètement les gestionnaires du parc et l’avis du PNRM ne sera
que consultatif pour les services de l’Etat.
L’exemple
du parc du Haut-Languedoc est à ce titre effrayant. Pour encadrer un
très fort développement éolien, le PNR a élaboré un document de
référence pour l’énergie éolienne avec pour résultat
l’installation de 162 éoliennes d’une puissance de 286 GW en
2010. Aujourd’hui, avec les projets à l’étude en cours, c’est
plus de trois cent cinquante mâts qui sont prévus et l’État
représenté par son préfet ne sait pas comment arrêter cette
hémorragie. Nos responsables sont-ils animés de cette même volonté
pour le Morvan?
L’engagement
de 2013 pour une « autonomie énergétique » des
parcs à l’horizon 2030 ne peut se concevoir, si l’on doit trahir
ne serait-ce que l’une des cinq missions des parcs naturels
régionaux (article R333-4 du Code de l’Environnement) qui leur ont
été concédées. Il est même
de
la
responsabilité des
gestionnaires
de
permettre un
développement de toute forme de production d’énergie locale et
renouvelable avec
une approche rurale de la
transition énergétique.
Pour rappel, les cinq
missions sont les suivantes:
-
la protection et la gestion du patrimoine naturel, culturel et paysager,
-
l’aménagement du territoire,
-
le développement économique et social,
-
l’accueil, l’éducation et l’information,
-
l’expérimentation, l’innovation
De
toutes les énergies renouvelables, l’éolien est certainement la
solution la moins appropriée au respect de ces engagements.
Est-ce
que l’éolien répond à l’idée d’une mission du développement
durable?
L’erreur
vient du fait que l’on associe trop souvent écologie et « énergie
renouvelable » (ENR) et que les ENR ne se résument qu’à
l’éolien industriel. Mais toutes les ENR ne se valent pas.
L’éolien
industriel dans le PNR du Morvan aura des incidences sur:
-
La transformation des routes et chemins d’accès avec ses conséquences sur la biodiversité,
-
Le culturel avec la modification des paysages en insérant des infrastructures de plus en plus hautes en raison de la faiblesse du vent dans le Morvan. Plus de 200 m de hauteur est déjà la réalité aujourd’hui en Bourgogne Franche-Comté.
-
La faune, la flore, ainsi que sur les chiroptères
-
L’économie avec le saccage d’un patrimoine paysager et historique, ainsi que du tourisme vert,
-
L’acceptation sociale avec un code de la Santé Publique spécialement aménagé pour le développement de l’éolien, sans créer d’emploi permanent,
-
Les riverains, car toujours trop près des habitations engendrant des nuisances de tous ordres.
-
Le social avec le ressentiment d’une tromperie, lorsque le bien-fondé de l’éolien ne peut être, ni démontré, ni observé dans les bilans carbone annuels. L’intermittence étant la principale raison,
-
La sécurité, en présentant une menace pour les riverains en hiver avec la projection de glace,
-
Le recours possible à d’autres énergies renouvelables, plus adaptées localement.
Tout
cela pour le plus grand profit de sociétés privées, de fonds de
pension souvent étrangers qui ont pour point commun de se
désintéresser foncièrement de l’aspect démocratique de ces
projets, pour privilégier exclusivement les retombées économiques,
pour leurs actionnaires. Où se trouve le bénéfice pour
l’environnement et en particulier pour le Morvan?
Historiquement,
aucun mode de production d’énergie ne s’est substitué à un
autre. Le charbon n’a pas remplacé le bois, le gaz et le pétrole
n’ont pas remplacé le charbon et enfin le nucléaire n’a pas
remplacé ces derniers. De même les ENR viendront s’ajouter à
ces matières primaires certes en voie de disparition, mais encore
trop souvent exploitées dans le monde pour produire une électricité
fortement émettrice de GES.
Quelle
sera la prochaine étape? En acceptant l’éolien industriel sur une
commune du territoire du PNRM, il vous sera impossible de refuser,
demain, l’exploration et l’exploitation des gaz de schistes,
quand les groupes financiers l’auront décidé. Je vous en
conjure, n’ouvrez pas une boîte de Pandore qu’il sera difficile
de refermer. L’éolien industriel serait à bannir de tous les
parcs naturels régionaux.
Je
compte sur vous pour que l’intégralité du territoire du PNR du
Morvan soit respectée, afin que les générations futures puissent à
leur tour apprécier ce bien commun aux richesses à découvrir.
Espérant
votre écoute, votre compréhension et votre action en faveur de la
protection de la biodiversité du PNR du Morvan, recevez, Madame,
Monsieur, l’expression de ma plus vive considération.
Olivier
DUBAR
|
1Conseil
scientifique du PNRM 11 janvier 2013- Saulieu
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