M. et Mme D. ont écrit aux membres de la commission chargée de l’élaboration des directives de l’OMS relatives au bruit dans l’environnement en Europe :
Un si joli village... |
"Nous habitons dans un hameau isolé de montagne, à
environ 1000 m d’altitude, situé à 7 km au nord d’une centrale éolienne
de 12 MW (6 aérogénérateurs de 2 MW chacun et de 125 m de haut). Notre
maison en pierres et murs très épais comporte des double-vitrages et un
plafond isolé avec 30 cm de ouate de cellulose. Les éoliennes sont hors
de notre champ visuel. Nous avons aménagé en 2014 dans un silence total
: nous ne savions pas alors qu’une panne de transformateur électrique
avait entraîné l’arrêt de la centrale éolienne : nous l’avons su 3
semaines plus tard en recherchant la cause d’une nuisance acoustique qui
nous réveillait la nuit avec une sensation d’être enfermés dans un
caisson absorbant des vibrations de très basses fréquences ; un appel
téléphonique auprès d’EDF nous a appris qu’il n’y avait dans notre
environnement aucun transformateur ni poste haute tension et qu’il était
probable que la gêne ressentie provenait de la centrale éolienne située
plus haut à 1300 m d’altitude.
Une enquête auprès du voisinage nous a également appris que ce
sujet était « tabou » dans cette belle région des volcans aux paysages
exceptionnels : 5 ans plus tôt les habitants et l’Association de
Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc avaient réussi à faire
échouer un projet éolien mais celui situé à 7 km de chez nous a pu
aboutir partiellement : 6 éoliennes sur les 8 prévues ont finalement été
implantées ; le projet qui a bénéficié d’une législation favorable sur
la base d’un simple permis de construire déposé en 2004 a été mis en
service en 2010 après 6 ans de procédure judiciaire ; mais il n’y a pas
eu d’étude approfondie des impacts environnementaux intégrant les
conditions de topographie, les phénomènes d’écho et l’absence de vents
dominants dans cette région marquée par la ligne de partage des eaux
entre l’Atlantique et la Méditerranée.
Quand les éoliennes fonctionnent, elles émettent un ronronnement
continu dont nous ressentons la pression dans les oreilles et la
poitrine. Le « bruit » éolien est présent partout, dans cette région de
monts et vallées, mais il devient insupportable à l’intérieur de la
maison et la nuit. Si elles tournent sans arrêt plusieurs jours
d’affilée, nous avons alors une mauvaise qualité de sommeil, des
difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes, des sensations
d’oppression dans la poitrine, parfois des nausées. Ce malaise donne
envie de fuir… ce que nous faisons quand nous pouvons le faire : là,
nous retrouvons la santé et le sommeil.
Depuis plus d’un an, nous entreprenons une concertation avec EDF
pour tenter de les faire arrêter la nuit ; hélas, il n’existe pas de
législation adaptée pour maîtriser l’impact des nuisances acoustiques
liées aux infrasons et basses fréquences des éoliennes. Un plan de
bridage pour limiter la production de 4 éoliennes sur 6, très proches
des habitations, a été mis en place en 2011 par EDF ; ce plan de bridage
est sans effet sur l’environnement moins proche. En lien avec
l’exploitant, un tableau de mise en corrélation de notre gêne ressentie
et le fonctionnement du parc éolien a été réalisé sur plus de 2 mois :
il met en évidence notre sensation de bien-être et l’arrêt total de la
production (je rappelle que nous ne voyons pas les éoliennes depuis chez
nous), la faible incidence du vent sur notre perception (le lieu est
abrité des vents), et, paradoxalement, la nuit, une gêne perçue d’autant
plus forte que la production est faible (sensation d’oppression et
réveil nocturne).
Nous avons aujourd’hui la certitude que l’exposition prolongée aux
nuisances acoustiques des éoliennes détériore notre santé : quand nous
quittons la région, nous retrouvons notre qualité de sommeil.
Nous souhaitons que notre témoignage reste anonyme pour ne pas
entraver notre projet de vendre et quitter définitivement ce lieu si
nous n’avons plus d’espoir de voir évoluer la législation ou d’obtenir
de l’exploitant l’arrêt des machines la nuit de 23 heures à 8 heures."
M. et Mme D.
Lettre de M. et Mme D. à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
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