Article de LA TRIBUNE
Samuel
Furfari 03/03/2020, 19:30
L'opposition
aux éoliennes s'amplifie. Après le gâchis de
l'arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim en bon état de
marche, de plus en plus de personnalités rejoignent les opposants
historiques à l'arrêt du nucléaire. Car oui, nous mettons au rébus
des installations amorties qui ne produisent pas de CO2 pour les
remplacer par des installations qui, si elles n'en produisent pas non
plus, présentent de très nombreux inconvénients et augmentent la
facture électrique des citoyens.
Loïk
Le Floch-Prigent qualifie très justement la fermeture de cette
centrale de « drame
national ».
Dernièrement, dans Causeur, le philosophe Alain Finkielkraut et
l'animateur de télévision Stéphane Bern ont signé une pétition
demandant au président de la République Française de mettre un
terme à l'implantation des éoliennes. Emmanuel Macron, à Pau, a
lui-même reconnu que « le
consensus sur l'éolien est nettement en train de s'affaiblir dans
notre pays ».
Les griefs sont connus, avec notamment la dégradation du paysage,
les nuisances diverses pour les riverains mais aussi pour la faune
aviaire, le démantèlement problématique... Les citoyens qui se
mobilisent contre les effets nocifs de ces moulins à vent modernes
méritent notre soutien total dans leur juste lutte.
Des
milliards dépensés pour une production d'énergie primaire
négligeable
Il
y a une raison rédhibitoire que tout citoyen devrait prendre en
compte afin de s'opposer encore plus fermement au déploiement des
éoliennes, voire exiger leur démantèlement. Lors des crises
pétrolières des années 1970, on a rapidement pensé à remplacer
les centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles par
des éoliennes. Après tout, l'histoire nous a enseigné que
l'énergie éolienne a été abondamment utilisée par les meuniers.
Il suffisait de moderniser une technologie ancestrale. Les progrès
ont été rapides au point que les
financements européens ont permis la
mise au point de machines performantes de plus en plus puissantes à
la fin du siècle dernier. Pourtant leur déploiement se faisait
attendre, car si la technologie était au rendez-vous, la rentabilité
économique faisait défaut. Afin de mettre en œuvre la politique
d'abattement des émissions de CO2 décidée après l'adoption du
protocole de Kyoto, l'Union européenne (UE) a voulu rendre
obligatoire cette forme de génération d'électricité. Dans une
première directive
de 2001,
l'objectif n'était pas contraignant. La
directive de 2009,
au contraire, a rendu obligatoire la génération d'électricité à
partir d'énergie renouvelable, avec en prime la
priorité d'accès au réseau de
cette forme d'électricité.
Le
développement a été fulgurant notamment en Allemagne, en Italie et
au Danemark. Après des années d'efforts, nous devons constater que
l'électricité d'origine éolienne représente, dans l'UE, 11 % de
la production globale d'électricité, loin derrière la production
d'énergie électronucléaire qui en représente 25 % et celle du gaz
naturel avec 21%. Mais, si ce chiffre de 11% peut sembler
intéressant, il ne dépasse pas les 1,9 % une fois ramené à
l'énergie primaire. Si l'on ajoute les 0,5% d'énergie solaire, ce
résultat de 2,4% en énergie primaire a été obtenu après avoir
dépensé 689 milliards de dollars entre 2010 et mi 2019. Depuis
2000, un million de millions d'euros a été dépensé dans
l'UE pour des résultats, somme toute, négligeables. Tout ça pour
ça !
L'intermittence :
le mal originel de la production éolienne
Toutefois,
l'expérience acquise sur plus de dix années doit nous permettre de
tirer des leçons afin de savoir s'il convient de poursuivre dans la
voie de l'obligation de production d'électricité éolienne. Or, il
apparaît de manière irréfragable que l'intermittence de la
production éolienne due à la variabilité de la vitesse du vent ne
permettra pas un déploiement suffisant pour remplacer les
productions électronucléaire ou thermique d'électricité. Lorsque
le vent ne souffle pas il faut bien qu'il y ait une production
disponible pour compenser ce manque de production ― on peut dire la
même chose du solaire photovoltaïque.
On
observe qu'en moyenne dans l'UE les éoliennes ne produisent que
pendant 23 % du temps. Que faut-il faire pendant les 77 % du temps
restant ? Utiliser les équipements de production traditionnels.
Si c'est ainsi qu'est gérée la production d'électricité depuis
une dizaine d'années, cette méthode n'est guère efficace car elle
impacte le coup de la production. D'ailleurs, lorsqu'il y a trop de
vent il faut payer des consommateurs industriels pour qu'ils
consomment cette électricité inutile. Tout cela coute cher !
Les installations classiques performantes ne fonctionnent pas de
manière idéale et nous subissons également un surcoût à la
gestion, de plus en plus délicate, du réseau électrique. Dès la
prise de conscience de cette réalité, une multiplication de
solutions a été envisagée : réseaux intelligents (smart
grids), gestion à distance de la consommation des ménages,
développement des batteries. Mais tout cela n'existe pas encore, ou
de façon embryonnaire, et reprendra probablement des décennies
avant d'être mise en œuvre à un coût compétitif.
Les
États se sont rabattus sur le mécanisme
de rémunération de la capacité des
installations thermiques qui consiste à apporter une aide publique
aux installations thermiques tout simplement parce qu'elles existent
et qu'elles sont disponibles au moment où la nature ne produit pas.
On ne finance donc non pas la production, mais l'existence d'une
capacité de production. Le lecteur aura compris que l'on
subventionne non seulement l'installation des éoliennes, mais encore
les centrales non intermittentes pour qu'elles suppléent au caprice
de la nature.
Aucune
solution économique et industrielle n'est aujourd'hui en vue pour
compenser cette intermittence. Malgré la diminution du coût
d'installation des éoliennes, mais également de leur coût de
génération (44%
de réduction en dix ans),
la facture du citoyen ne cesse d'augmenter. Les données statistiques
de l'office Eurostat de l'UE montrent que plus
on produit de l'électricité intermittente, plus le consommateur
paye cher son électricité.
Les
pays d'Europe centrale et orientale l'ont bien compris et ne se
pressent pas pour installer des éoliennes. D'ailleurs, la directive
en faveur de la promotion des énergies renouvelable de 2018,
contrairement à celle de 2009, ne prévoit aucune obligation de
résultats pour les États membres, seule l'UE étant tenue d'y
arriver. Les États membres ont refusé cette clause d'obligation de
résultats lors du sommet
européen des 23-24 octobre 2014.
En 2021, l'objectif de 20% d'énergies renouvelables ne sera pas
atteint par une majorité d'États membres, notamment ceux d'Europe
centrale et orientale, mais aussi l'Allemagne.
Est-ce
que la Commission Européenne dirigée par Madame Ursula von der
Leyen va engager une procédure judiciaire contre l'Allemagne et une
large série d'autres États membres ? Un autre rendez-vous
intéressant aura lieu en 2031 lorsque la Commission européenne
devrait traîner en justice l'UE pour ne pas avoir atteint le
résultat qu'elle s'est imposée elle-même en matière d'énergie
renouvelable puisque si l'objectif n'est pas contraignant pour les
États membres... il l'est pour l'UE !
__________
(*)
Le dernier ouvrage de Samuele Furfari est « Énergie
2019. Hystérie climatique et croissance des énergies fossiles"
(Chez Amazon). Son livre de référence es une œuvre de 1200 pages
en deux volumes "The
changing world of energy and the geopolitical challenges".
Voir furfari.wordpress.com
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