Les termes sont choisis, mais l’inflexion
est palpable. Invitée de la commission des affaires économiques du
Sénat, mardi 18 février, la ministre de la transition écologique et
solidaire, Elisabeth Borne, s’est livrée à une charge sévère contre « le développement anarchique » de l’éolien, en répondant à une question posée par la sénatrice UDI de Côte-d’Or Anne-Catherine Loisier.
« C’est vraiment un énorme sujet, je l’ai dit aux acteurs de la filière », a expliqué la ministre, en citant plusieurs exemples : « Il
y a des emplacements de parcs éoliens en covisibilité avec des
monuments historiques. Je ne comprends même pas comment on a pu arriver à
ces situations. On a des territoires dans lesquels on a une dispersion
de petits parcs de taille et de forme variable qui donnent une
saturation visuelle, voire une situation d’encerclement autour de
certains bourgs qui est absolument insupportable. »
La ministre a ainsi défendu les mesures qu’elle a négociées en décembre avec les acteurs de la filière « pour un développement harmonieux de l’éolien ».
Elle a notamment plaidé pour une meilleure répartition des parcs
éoliens sur le territoire – il est vrai que les Hauts-de-France et le
Grand-Est concentrent la moitié de la puissance éolienne raccordée au réseau.
Revirement du gouvernement
La
critique de la ministre a de quoi surprendre, alors que le gouvernement
a jusqu’ici plutôt défendu la filière éolienne. Elisabeth Borne était
invitée au Sénat pour défendre la programmation pluriannuelle de
l’énergie (PPE). Ce texte, actuellement en consultation publique sur le site du ministère,
fixe les orientations de politique énergétique de la France pour les
dix prochaines années. Or, au cœur de cette stratégie se trouve
justement un développement massif de l’éolien terrestre, qui doit plus
que doubler dans la période en puissance installée.
Le texte précise notamment que la volonté du gouvernement est de « faire passer le parc éolien de 8 000 mâts fin 2018 à environ 14 500 en 2028, soit une augmentation de 6 500 mâts ».
Le document prévoit également un développement important de l’éolien en
mer. Le sujet est important, alors que la France est loin d’atteindre
ses objectifs en matière de développement des énergies renouvelables.
Jusque-là, les prédécesseurs de Mme Borne
avaient plutôt pris des initiatives pour soutenir l’éolien. Ainsi,
Nicolas Hulot et son secrétaire d’Etat d’alors, Sébastien Lecornu,
avaient mis en place un groupe de travail qui a conduit à l’adoption de
plusieurs mesures – notamment pour limiter les recours juridiques contre
l’installation d’éoliennes. Or les opposants à l’éolien emploient
précisément les arguments déployés par Mme Borne en invoquant, entre autres, la défense du patrimoine et la saturation visuelle.
Avec
ce changement progressif de ton, la ministre emboîte le pas du
président de la République, qui estimait mi-janvier, lors d’une table
ronde à Pau, que « la capacité à développer massivement de
l’éolien est réduite. On pourra le faire où il y a consensus, mais le
consensus autour de l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans
notre pays ».
Hé alors! Lorsque qu'un projet éolien après refus du conseil municipal, avis défavorable du commissaire enquêteur, de la CDNPS puis de la préfecture continue son parcours, n'est-ce pas là aussi un sujet de mécontentement, et le mot est faible!
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