samedi 24 mars 2018

Le plus simple serait de tout arrêter!


 Ci-dessous un article rédigé par Jean-Philippe Delsol. Il serait conseillé pour l'environnement et les finances de l'Etat frrançais de suivre son enseignement!

Par Jean-Philippe Delsol
Docteur en droit et licencié ès lettres, Jean-Philippe Delsol est avocat au Barreau de Lyon spécialisé en droit des sociétés et fiscalité internationale. Fondateur du cabinet Delsol Avocats, il est Président de l’Institut de Recherches Économiques et Fiscales (IREF).
Le gouvernement joue les don Quichotte contre des éoliennes qui n’existent encore que sur le papier. Il a enfin découvert que les marchés éoliens offshore attribués lors des deux appels d’offres de 2012 et 2014 à des consortiums menés par EDF-EN (champs de Guérande, Courseulles et Fécamp), Iberdrola (Saint-Brieuc) et Engie (Le Tréport, Noirmoutier-Yeu), étaient biaisés. Dans le cadre de ces projets, l’État oblige Electricité de France ou les entreprises locales de distribution à racheter l’électricité éolienne produite par les constructeurs lauréats aux prix fixés dans le cadre de l’appel d’offres. Or les prix acceptés lors de ces appels d’offres sont aujourd’hui quatre à cinq fois plus élevés que le prix actuel de marché.
Désormais, les progrès technologiques, tant au niveau des machines que des réseaux, permettent de produire de l’électricité éolienne quasiment sans subvention. C’est ce que font nos voisins du nord notamment. Le prix du mgwh va être réduit sur le marché à un niveau de 40 à 50 € quand l’État s’est engagé à le faire acheter, pendant 20 ans, à un montant proche de 200€ au détriment du consommateur et du contribuable. À ce prix là, le surcoût devrait représenter plus de 40 Md€ sur 20 ans pour une production de 3 gigawatts. Pour le même prix les spécialistes disent qu’auraient pu être financés 120 gigawatts d’électricité solaire.
L’État voulait, comme toujours, garder la main et gérer cette nouvelle filière pour y faire émerger des champions français qui depuis se sont vendus à GE (États-Unis) et à Siemens (Allemagne) et se sont de toute façon engagés si tardivement dans cette technologie après leurs concurrents étrangers qu’ils auront du mal à rattraper leur retard. Considérant désormais l’énorme gabegie d’argent public que représenterait le respect des appels d’offres et prenant en compte le fait qu’à ce jour encore aucun contrat d’obligation d’achat n’a été signé et aucune de ces installations n’est construite, l’État a glissé subrepticement, au Sénat, un amendement à l’article 34 du Projet de loi Pour un État au service d’une société de confiance déjà voté en première lecture à l’Assemblée nationale.
En son § II, l’amendement proposé permet au ministre de renégocier les contrats « et avec l’accord du candidat retenu à l’issue de la procédure de mise en concurrence, améliorer l’offre de ce dernier et notamment diminuer le montant du tarif d’achat ou du complément de rémunération, dans des conditions et selon des modalités définies par décret en Conseil d’État ». Mais bien entendu, cette renégociation ne pourra avoir lieu qu’avec l’accord des cocontractants retenus par l’appel d’offres et à défaut d’accord pour baisser les prix, le gouvernement se réserve le droit d’abroger l’autorisation d’exploiter accordée. Cet amendement cherche ainsi ouvertement, mais sans garantie de sécurité juridique, à donner une base légale à une renégociation qui sera sûrement très difficile eu égard à l’écart considérable de prix. Pour le cas où la renégociation échouerait, le texte prévoit la possibilité de rouvrir une procédure d’appels d’offres, mais dans des conditions de précipitation qui ne laissent déjà pas d’inquiéter quant aux droits des riverains et autres personnes intéressées d’être sereinement consultées et écoutées et qui pourraient à ce titre être considérées comme illégales.
Il aurait mieux valu que l’État prévoie, dans les appels d’offres d’origine, la possibilité de faire évoluer les matériels et de renégocier les prix en fonction de l’évolution des techniques, ce qui eut été tout à fait possible. Mais il n’y a pas pensé ! Il s’en moque car il n’est jamais sanctionné. D’ailleurs le ministère de la Transition écologique et solidaire se réjouit aujourd’hui sans honte : « Cet amendement permet d’adapter le droit aux évolutions des technologies, c’est positif pour le secteur de l’éolien ».
Plutôt que de vouloir à toute force relancer l’éolien, même dans des conditions financières plus satisfaisantes, il serait préférable de l’abandonner purement et simplement. Car ce mode de production restera cher et peu efficace eu égard au fait qu’il est par nature aléatoire et intermittent en fonction du vent, exigeant de ce fait, tant que l’électricité ne sait pas être stockée, le maintien en activité de centrales thermiques traditionnelles pour permettre de répondre en tout temps aux besoins des consommateurs. Ce faisant, ce mode de production n’atténue guère la pollution atmosphérique, ainsi que l’exemple allemand le démontre, tout en dégradant les paysages et ajoutant de nouveaux risques environnementaux au voisinage et, pour l’éolien offshore, aux activités halieutiques et aux fragiles équilibres des fonds marins et des rivages. Malheureusement ce n’est pas en fonction de ces arguments très recevables que, pour des raisons obscures, le Sénat a rejeté cet amendement qui sera très probablement adopté in fine par l’Assemblée nationale.
Après les désastres de l’écotaxe poids lourd, de Notre-Dame-des-Landes, du remboursement de la taxe à 3% sur les dividendes avec 5Md€ d’intérêts, l’État n’en est plus à quelques centaines de millions d’euros près pour indemniser les entreprises ayant remporté les appels d’offres dont les contrats seraient rompus. En espérant tout de même que l’indemnisation ne couvrira pas les énormes dépenses de lobbying, relevant peut-être même d’une forme de corruption dans certains cas, déployées par les industriels au profit des collectivités, syndicats, marins et autres populations locales pour les convaincre d’accepter ces projets maléfiques. Mais il vaut mieux tirer un trait rapidement plutôt que de s’engager dans des procédures de révision des contrats qui donneront lieu à d’éternels litiges avec les industriels mécontents comme avec les riverains. Et pour l’avenir, le mieux serait surtout que l’État ne se mêle plus de ce qui ne le regarde pas et laisse les entreprises mettre en œuvre les projets qu’elles estiment utiles, et profitables parce qu’utiles. Beaucoup d’autre formes d’énergies alternatives existent, sans doute moins nuisibles et il vaudrait mieux s’y consacrer.

Article de l’IREF — 19 mars 2018

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